22 mars 2018
Systèmes alimentaires Agroécologie Filières agricoles Sécurité alimentaire Mauritanie

De l’Anjou au Guidimakha, regards croisés sur le maraîchage agroécologique

Actualité

Vincent Favreau est un maraîcher engagé en agriculture biologique et dans les circuits courts depuis plus de quinze ans. Valentin Beauval est un agronome, paysan semencier à la retraite, impliqué dans de nombreux réseaux de soutien à l’agroécologie, en France, en Afrique de l’Ouest et à Madagascar. Tous deux originaires de l’Anjou, ils ont fait en février le déplacement jusqu’en Mauritanie pour rencontrer des maraîchères accompagnées par le Gret.

Dans le cadre du projet d’amélioration de la résilience des populations vulnérables en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle (Résanut), le Gret accompagne depuis 2014 les paysans de trois communes du Guidimakha : Arr, Ajar et Ould Mbony. Cette région, située au sud de la Mauritanie, est marquée par une forte insécurité alimentaire malgré un potentiel agropastoral important.

Les équipes du Gret apportent notamment leur appui à des groupes de femmes maraîchères qui cherchent à améliorer l’alimentation de leur famille en diversifiant les produits et en privilégiant les aliments frais. Elles les aident également à développer une activité économique autonome au sein de leur ménage, et ont même mis en place un espace de collaboration entre femmes qui dépasse le simple cadre du foyer familial.

Le Gret propose un accompagnement technique et organisationnel, et laisse les paysans et paysannes maîtres de la conduite de leur activité et des investissements nécessaires. Les échanges entre pairs sont nombreux pour permettre de partager les pratiques et de trouver des solutions collectives aux problèmes rencontrés.

C’est dans ce cadre que deux paysans d’Anjou – Vincent Favreau et Valentin Beauval – se sont rendus dans le Guidimakha début février pour échanger avec les femmes maraîchères appuyées par le Gret.

De nombreux sujets ont été abordés durant ces échanges : la gestion de la fertilité des sols (utilisation des déjections animales et d’engrais vert) ; celles de la biodiversité cultivée (associations de cultures, rotations entre les cultures) et de l’eau d’irrigation (fréquence d’arrosage, techniques de réduction des besoins en eau) ; et enfin, les attaques des cultures (prévention et utilisation des bio-pesticides).

Continuer à s’enrichir mutuellement

Vincent Favreau et Valentin Beauval ont pu observer l’engagement et la motivation des paysans et paysannes rencontrés et la dimension agroécologique de leurs pratiques actuelles. Très peu de pesticides chimiques ou d’engrais de synthèse sont en effet utilisés dans cette zone. Ils ont encouragé les équipes du Gret à poursuivre leurs efforts d’accompagnement pour renforcer la structuration paysanne émergente et permettre aux maraîchères de trouver par elles-mêmes des solutions agroécologiques à leurs contraintes.

Lors de cette visite, des ateliers regroupant les femmes de différents villages ont été animés par les paysans français et par l’équipe de conseillers du Gret. Une participante, originaire du village de Bouguirbè dans la commune d’Arr, témoigne : « Cette rencontre nous a permis de nous connaître et de réaliser que nous pratiquons le maraîchage différemment dans chaque groupe, mais surtout, que nous pouvons apprendre les unes des autres. Je ne connaissais pas, par exemple, l’association aubergine-salade présentée par ce groupement de maraîchères qui nous a accueillies. Nous souhaitons pouvoir reproduire régulièrement ces sessions d’échange avec l’aide du conseiller du Gret, pour continuer à nous enrichir mutuellement. »

Vincent Favreau et Valentin Beauval ont quant à eux mis en évidence les atouts dont disposent les paysannes du Guidimakha en matière de maraîchage. Parmi les éléments qui les ont marqués figurent notamment :

  • la présence de quantités très importantes de fumure organique, indispensable pour pratiquer un maraîchage agroécologique. Vu les très nombreux troupeaux de ruminants présents dans la région, cette matière organique gratuite est souvent facile à récupérer ;
  • une forte biodiversité dans les périmètres, et des pratiques intéressantes de cultures associées dans les planches individuelles ;
  • des pratiques de cuvettes/micro-billons testées dans plusieurs périmètres et devant permettre d’économiser l’eau, mises en place suite à l’accompagnement des conseillers du Gret ;
  • la faible quantité de pesticides actuellement utilisés par les paysans de cette région sahélienne et enclavée ;
  • les compétences évidentes de nombreuses femmes qui pratiquent une diversité de cultures maraîchères en saison froide depuis parfois plus de 20 ans ;
  • le fait que les appuis réalisés par les trois conseillers agricoles du Gret, que ce soit en matière technique ou organisationnelle, paraissent très appréciés ;
  • l’envie très perceptible des femmes de nombreux groupements de se retrouver pour travailler ensemble dans les périmètres, mais aussi d’échanger avec les groupes voisins.

Après une semaine de rencontres dans les villages, les visiteurs angevins ont également animé un atelier d’échange sur le maraîchage agroécologique, avec la participation de représentants paysans, des services techniques déconcentrés mauritaniens, des équipes du Gret et des autres ONG actives au Guidimakha.

Cette action s’inscrit dans le cadre du projet Résanut, financé par l’Union européenne, qui se termine en avril 2018. Un financement complémentaire du Comité français pour la solidarité internationale (CFSI) et de la Fondation de France permettra de maintenir ce service d’accompagnement jusqu’à fin 2018. Les équipes du Gret sont mobilisées pour trouver des ressources additionnelles qui permettront de consolider ce service et de l’étendre à de nouvelles communes et à de nouveaux groupes de paysans du Guidimakha qui en ont déjà fait la demande.

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