22 mars 2018
Ressources naturelles Biodiversité Madagascar

Gouvernance partagée des aires protégées marines et côtières à Madagascar

Actualité

A partir des retours d’expériences d’un projet mené à Madagascar, le Gret a publié en janvier un ouvrage portant sur la gouvernance partagée des aires protégées marines et côtières.

Mis en œuvre par le Gret de 2013 à 2017, le projet Hafafi (Biodiversité, développement et gouvernance locale : vers un modèle pour les nouvelles aires protégées marines et côtières à Madagascar) visait à accompagner la mise en place par l’ONG Wildlife Conservation Society (WCS) d’une cogestion avec les « communautés locales » de deux aires marines protégées (AMP) à Ankarea et Ankivonjy dans la province de la Diana, au nord-ouest de Madagascar.

Il s’agit de deux aires protégées de catégorie V, selon la classification de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui reconnaît ainsi le rôle joué par les populations installées à l’intérieur et autour des aires protégées dans la gestion des paysages et l’exploitation durable des ressources. Selon leur décret de création définitive (2015), la cogestion de ces aires est de type « collaboratif », c’est-à-dire identifiée comme une forme de « gouvernance partagée » dans le cadre juridique malgache, à l’image de la majorité des aires protégées créées entre 2005 et 2015 à Madagascar pour concrétiser la « Vision de Durban » formulée en 2003 de triplement des aires protégées.

Pour saisir les décalages entre les mots, les perceptions et les pratiques, et en comprendre la signification, le Gret a publié – dans la collection « Comprendre, agir et partager » – l’ouvrage « Gouvernance partagée des aires protégées à Madagascar : quel contenu donner à la cogestion ? ». Ce travail de capitalisation a été conduit sur la base de revues bibliographiques, d’enquêtes de terrain et d’ateliers d’échanges. Il se découpe en quatre parties :

  • une revue de la littérature sur les politiques de décentralisation des ressources naturelles (avec un focus particulier sur les transferts de gestion de ressources naturelles et la gestion contractualisée des forêts par les « communautés de base ») et une présentation du paysage juridique de la conservation à Madagascar ;
  • une description de la cogestion qu’en font les parties prenantes ;
  • une présentation des modalités d’implication concrète des populations ;
  • des pistes d’action pour l’amélioration de la gouvernance.

Ce travail entend répondre aux questions suivantes : à quels niveaux les populations des aires marines protégées appuyées par le projet Hafafi sont-elles impliquées dans la prise de décision et la gestion de l’aire protégée ? Quels sont les bénéfices attendus, par les différentes parties prenantes, de la participation des populations locales à la gouvernance de l’aire protégée et à sa gestion ? Quels sont les objectifs des acteurs composant la « communauté » ? Pour quels résultats ? Enfin, quelles leçons peut-on tirer des expériences actuelles pour améliorer la gouvernance des aires protégées à Madagascar ?

Une formule « caméléon »

La gouvernance « partagée » demeure une formule « caméléon », en ce qu’elle change de sens selon l’entité qui l’emploie, couvrant alors de multiples configurations de distribution du pouvoir, étant entendu que la gouvernance renvoie ici à la régulation de l’accès aux ressources naturelles protégées. Inachevé, lacunaire, voire contradictoire, le paysage juridique malgache de la gestion des ressources ne favorise pas une appropriation claire des rôles et attributions de chacun (les décrets d’application du code de gestion des aires protégées révisé en 2015 ne sont pas encore publiés). Si ce flou permet d’éviter, à court terme, des situations conflictuelles, il devient handicapant au-delà, dès lors que plus personne n’est en mesure de définir le cap à suivre ; il peut même devenir source de conflits. Les modalités d’implication des populations dans la gestion de ces espaces ont donc pris des formes multiples, souvent propres à chaque promoteur d’aire protégée.

Illustrant les défis de la participation des communautés dans la création et la cogestion d’une aire marine protégée entre une ONG de conservation, à qui l’État a confié la responsabilité de créer l’aire protégée, et une association représentant ladite communauté et dont la dynamique d’émergence ne répond pas nécessairement aux enjeux locaux d’amélioration de la gouvernance des ressources, les pistes d’amélioration envisagées dans ce document portent sur une explicitation des objectifs et modalités de gouvernance « partagée », sur une représentation communautaire calibrée aux objectifs de gestion (en explorant d’autres modèles organisationnels que l’association et pour redonner du sens aux structures représentant les communautés locales) et sur les modalités d’accompagnement (positionnement des équipes locales, apprentissage par l’action, recherche de définitions communes).

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