22 mars 2018
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Les services d’eau et d’assainissement face aux défis des villes de demain

Actualité

Il y a quelques jours, Pierre Jacquemot, président du Gret, était invité par l’Agence française de développement (AFD) à participer à la conférence ID4D sur le thème de « L’eau : quels défis et quelles solutions pour la ville de demain ? ». Dans la foulée de cet événement, et à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, le Gret fait le point sur les approches et les solutions identifiées afin d’améliorer l’accès des urbains les plus vulnérables à des services améliorés et durables d’eau, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales.

Fin 2015, malgré la bonne nouvelle de l’atteinte de l’Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) sur l’eau potable*, on apprenait que la population urbaine bénéficiant d’un service d’alimentation en eau potable par branchement privé s’élevait à 79 %. En vingt ans, ce chiffre n’a pas progressé**. Quant à l’assainissement, un urbain sur cinq ne dispose pas d’un système amélioré. A ces enjeux quantitatifs globaux s’ajoute celui de la pauvreté : l’accès à l’eau et à l’assainissement reste l’un des marqueurs de pauvreté les plus importants dans les villes d’Afrique et d’Asie. C’est le cas également dans les villes haïtiennes, où les 20 % les plus pauvres de la population urbaine ont six fois moins de chances de bénéficier d’un service d’assainissement amélioré que les 20 % les plus riches.

A ces enjeux d’accès aux services s’ajoute celui de leur qualité et de leur performance : les habitants de Nairobi, de Saint-Louis du Sénégal, de Yangon ou de Lima ne se satisfont plus aujourd’hui d’un service intermittent, de qualité médiocre, et exigent une forte réactivité en cas de panne. Ils veulent régler leur facture simplement, par Internet par exemple. Les modes de vie urbains sont également souvent plus consommateurs en eau, alors que les ressources sont sous pression.

Enfin, les villes sont souvent situées dans des zones vulnérables aux impacts hydriques attendus du changement climatique (littoral, bord de rivière, plaine alluviale, etc.). Leurs services essentiels devront composer avec cette nouvelle donne – et notamment avec la sécheresse et les inondations –, alors que les incertitudes associées à ces évènements restent très fortes, ce qui ne facilite pas l’adaptation et la prise de décisions.

L’enjeu est aussi financier bien sûr : au-delà du financement des extensions et du fonctionnement du service, le besoin de renouvellement des infrastructures construites il y a trente ou quarante ans commence à se faire sentir sans que le financement de ces remplacements n’ait été forcément anticipé financièrement.

Ces défis actuels, combinés à l’urbanisation rapide et mal planifiée, montrent combien l’universalité de l’accès à des services améliorés souhaitée par les Objectifs de développement durable (ODD) est nécessaire mais ambitieuse.

Des solutions pour les urbains les plus vulnérables

En Afrique, en Asie du Sud-Est, dans les Caraïbes ou l’océan Indien, le Gret intervient aux côtés des maîtres d’ouvrage en charge de la fourniture des services essentiels pour améliorer et garantir la prise en compte des quartiers les plus vulnérables dans les solutions proposées.

Des réponses sur mesure, bâties sur des diagnostics co-construits

La ville est un objet complexe et le temps du diagnostic est précieux : le Gret promeut donc l’importance des diagnostics préalables et met en garde contre des solutions toutes faites, venues d’ailleurs. Les habitants et les maîtres d’ouvrage sont les plus fins connaisseurs de leurs territoires : c’est donc d’eux que viendront les solutions, appuyés par des experts à l’écoute.

A Mandalay, une ville d’un million d’habitants située dans le centre du Myanmar, le Gret intervient en partenariat avec Suez Consulting, aux côté de la mairie, pour alimenter 2 000 ménages en eau potable et renforcer les capacités de la mairie pour la gestion du service. La phase de diagnostic de terrain a duré un an et vient de s’achever : elle a abouti à une importante stratégie de marketing social dont la mise en œuvre démarre tout juste.

Des solutions alternatives et adaptées aux quartiers précaires

Les quartiers périphériques ou précaires sont souvent délaissés par l’offre de service formelle, et les solutions alternatives sont souvent variées et généralement plus coûteuses (revendeurs d’eau, mini-réseaux dépendants ou indépendants, mini-égouts, vidangeurs de fosses, etc.). Le Gret cherche donc à expérimenter des solutions ad hoc, qui permettent de rationaliser cette offre de service alternative, de la réguler, sans perdre pour autant sa souplesse et son évolutivité.

Au Laos, un travail sur les normes a permis de baisser les coûts des infrastructures ou des branchements. A Port-au-Prince, en Haïti, la gestion par les habitants de certains quartiers populaires permet de contourner les difficultés administratives qu’un opérateur public pourrait rencontrer pour fournir le service. A Antananarivo, à Madagascar, le service de vidange a été renforcé et des solutions de traitement décentralisés pour éviter un réseau d’assainissement hypothétique et coûteux… A Saint-Louis du Sénégal, un marketing social adapté aux populations de certains quartiers assure la promotion d’un service d’assainissement collectif.

Faire émerger des solidarités pour financer les services

Les besoins financiers pour faire fonctionner les services et les étendre sont bien sûr considérables. Le seul tarif ne permettra pas de couvrir toutes les charges : cela conduirait le maître d’ouvrage à appliquer un tarif bien supérieur à la capacité à payer des ménages. Il s’agit donc de maîtriser au mieux les coûts de fonctionnement et d’investissement mais aussi – et surtout – de faire jouer les différentes solidarités via les grilles tarifaires et les subventions : transferts entre types d’usagers, entre riches et pauvres, entre villes et milieu rural, entre secteurs, etc.

Organiser des coalitions d’acteurs

Le Gret cherche aussi des solutions innovantes au niveau institutionnel : au-delà de ses activités historiques et indispensables de renforcement des maîtres d’ouvrage et des opérateurs privés, le Gret appuie désormais la société civile sénégalaise, avec l’appui du monde de la recherche, pour faire émerger et renforcer un rôle de régulation citoyenne des politiques sectorielles.

* La cible mondiale OMD pour l’eau potable – faire en sorte que 88 % de la population ait accès à des points d’eau améliorés d’ici 2015 – a été atteinte et dépassée en 2010.  Source : « Rapport 2015 sur les progrès en matière d’assainissement et d’alimentation en eau » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

** D’après le Programme commun OMS/Unicef de suivi de l’eau et de l’assainissement (JMP).

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