14 septembre 2018
Villes et habitat Villes inclusives Haïti

Une approche intégrée pour améliorer durablement le cadre et les conditions de vie dans un quartier précaire d’Haïti

Actualité

Très fortement endommagé par le séisme de 2010, le quartier de Desprez, à Port-au-Prince en Haïti, a fait l’objet d’un programme d’appui à la reconstruction et à l’aménagement. Initié en 2014 par le Gret et Oxfam, avec le soutien financier de l’Union européenne, ce projet désormais clôturé a bénéficié de l’implication des habitants du quartier, des autorités locales et de différents acteurs sectoriels.

Le quartier de Desprez s’étend sur 70 hectares et compte 10 000 habitants. Il se caractérise par un relief accidenté, avec des pentes de 20 % en moyenne. Le cadre et les conditions de vie sont précaires : pour la plupart, les constructions sont petites et de faible qualité, agencées de manière très dense, avec des voies de circulation piétonne souvent très étroites, en mauvais état et difficiles d’accès. Le séisme du 12 janvier 2010 a causé des dommages importants dans ce quartier, et détruit une part importante de bâtiments et d’infrastructures. En réponse à cette situation de crise, le projet Parad (pour Projet d’appui à la reconstruction et à l’aménagement de Desprez) a cherché à apporter une réponse durable, au-delà des interventions humanitaires et/ou d’urgence, pour appuyer les habitants dans la reconstruction et l’amélioration de leur cadre de vie.

Allier reconstruction et aménagement durable

Le projet a adopté une approche multisectorielle et territoriale, alliant reconstruction et aménagement durable et préventif, et s’articulant autour de trois volets d’intervention :

  • Le cadre de vie, par des travaux d’infrastructure amorçant la mise en œuvre d’un schéma concerté d’aménagement de quartier.
  • Le renforcement de capacité des acteurs locaux, en appuyant d’une part les petites entreprises, les entrepreneurs et les petits commerçants dans leurs activités économiques ; et d’autre part les organisations communautaires dans leur capacité à proposer et à porter des micro-actions pour l’aménagement ou l’embellissement de leur quartier, et à fournir des services de base aux populations ;
  • Les conditions de logement des familles affectées par le séisme, grâce à un appui technique et financier et un appui à la filière construction.

Une approche multi-sectorielle pour répondre aux différents enjeux

Les activités du projet ont porté sur six secteurs opérationnels : la planification urbaine ; l’aménagement et la sécurisation de voiries, de ravines et d’espaces publics ; le renforcement de l’accès aux services urbains ; le développement économique ; la prévention des risques ; et enfin, la reconstruction des maisons. Parmi les nombreuses activités réalisées et les différents résultats obtenus dans le cadre de ce projet, on peut notamment citer :

« Le projet Parad ne s’est pas imposé, il y a eu des échanges et des discussions avec les habitants de la zone (…) Avant, l’eau stagnante favorisait les moustiques, causant beaucoup de maladies. Les corridors n’étaient pas sûrs. Des femmes enceintes tombaient parfois, risquant ainsi une fausse couche (…) Le projet nous a permis d’améliorer la sécurité. Nous avons maintenant plus d’espace pour circuler. » Michaele Louis, ancien membre du Conseil d’administration de la section communale (CASEC) de Turgeau.

  • La reconstruction ou le renforcement de près d’une centaine de maisons permettant à 400 personnes environ de connaître une véritable amélioration de leur situation en matière d’habitat.
  • La recherche de la structuration d’une interface quartier avec pour objectif la concertation avec les habitants mais aussi in fine le dialogue avec les institutions : sur le projet Parad, une cellule de quartier d’abord constituée sur une base sectorielle s’est assez vite dissoute au profit d’un collectif d’associations. Cette structure fragile s’est positionnée alternativement comme opposante et facilitatrice pour le projet.

Un bilan positif et néanmoins limité sur l’amélioration du cadre et des conditions de vie des habitants du quartier

Ce projet a permis de drainer des moyens financiers importants vers un quartier précaire d’habitat spontané, alors que les quartiers de ce type sont généralement délaissés des politiques publiques de développement urbain. Les différentes actions du projet ont pu contribuer à une réelle amélioration du cadre de vie au niveau du cœur du quartier et au sein des différentes poches d’habitat précaire. Le projet a ainsi eu un impact direct et important sur les conditions de vie de certaines familles.

Cependant, bien que conséquents, les financements étaient insuffisants pour pouvoir répondre à l’ensemble des besoins exprimés ou identifiés au niveau du quartier : réponse à une demande d’appui sur six pour le logement, impossibilité de réaliser certains travaux de voiries pourtant prioritaires par manque de moyens, etc. Il serait nécessaire de débloquer des financements complémentaires pour consolider les actions initiées dans le cadre de ce projet, ce qui ne sera malheureusement pas possible à court et moyen termes, compte tenu de la réorientation des financements de l’Union européenne pour l’appui au développement urbain sur d’autres priorités avec la fin de la période d’exception post-catastrophe.

Des approches innovantes pour des résultats plus durables

En termes d’innovation, le projet a cherché à faire évoluer les pratiques constructives. Dans le cadre des interventions en matière d’appui à la reconstruction/renforcement des logements, le Gret a mis l’accent sur la dimension urbaine du logement en donnant la priorité aux opérations d’habitat groupé. Ces opérations, qui ont impliqué de trois à six familles, ont favorisé le remembrement foncier, la densification verticale et une solution d’assainissement semi-collectif. Cinq opérations pour un total de 28 logements ont ainsi été réalisées dans un quartier où les constructions individuelles sur des parcelles de petite taille restent la norme. Au travers du projet, les habitants ont pu apprécier les gains liés à une solution d’habitat groupé (une plus grande superficie et un meilleur accès aux services), ce qui, à plus long terme, pourrait contribuer à une réplication de ce type d’opération. « L’acceptation de la mitoyenneté dans le cadre des habitats groupés a nécessité beaucoup de pédagogie et une forte implication des équipes d’animateurs. Mais une fois la première expérimentation réalisée sur le site de Lakou Tijak, certaines familles se sont regroupées elles-mêmes pour bénéficier de ce nouveau mode d’habitat », explique Sterenn Le Delliou, cheffe du projet Parad.

Enfin, sur un plan méthodologique, la mise en œuvre d’une approche transversale en matière de genre a permis aux femmes de davantage bénéficier des retombées des activités opérationnelles. A titre d’exemple, la réalisation d’actions de formation-accompagnement spécifiques sous forme de chantier école et la mise œuvre de clauses sociales dans les appels d’offres ont favorisé une participation élevée de femmes dans les chantiers de construction/aménagement du projet traditionnellement réservés aux hommes (jusqu’à 30 %).

Cet article a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité du Gret et ne reflète pas nécessairement les opinions de l’Union européenne.

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