27 février 2019
Nutrition et santé Nutrition TIC Burkina Faso

3 questions à Ouépaké Aouehougon, chef de projets TIC et santé du Gret au Burkina Faso

Actualité

Ouépaké Aouehougon est chef de projet au Gret Burkina. Epidémiologiste et spécialisé dans la gestion de l’information sanitaire, il travaille à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le domaine de la santé. Auparavant, il a travaillé pour le ministère de la Santé burkinabè, l’agence allemande de coopération internationale (GIZ) et l’Organisation mondiale de la santé. Il nous parle ici d’AlloLaafia, un service créé par le Gret et destiné à sensibiliser les Burkinabè aux enjeux de santé maternelle et infantile à l’aide du téléphone mobile.

En 2015, dans le cadre de son projet MobiSan, financé par l’AFD et la Fondation Bel, le Gret a participé à l’élaboration d’un outil innovant de communication pour le changement de comportement en santé au Burkina Faso : le service AlloLaafia. Le concept est le suivant : des SMS de conseil ou de prévention en matière de santé, personnalisés et validés par le ministère de la Santé, sont envoyés aux personnes qui se sont préalablement abonnées au service.

Quels ont été les principaux enjeux de la mise en place du service AlloLaafia ?

Le premier enjeu était d’ordre stratégique et consistait à mettre en place un outil innovant, facilement appropriable par les populations et susceptible de s’intégrer à la politique sanitaire du pays.

Une autre problématique concernait la coordination : il fallait que toutes les parties prenantes puissent contribuer à la conception de l’outil en y apportant leur expertise. Le but étant d’assurer un niveau de qualité le plus élevé possible et une utilisation par le plus grand nombre.

D’autre part, nous avons également rencontré des défis conceptuel et technologique. Il fallait en effet que l’équipe projet puisse synthétiser les différentes propositions et répondre aux attentes diverses des parties prenantes. De plus, il était absolument nécessaire de trouver des prestataires locaux suffisamment qualifiés pour accompagner le développement du dispositif technologique afin de garantir la maintenance du service.

En outre, il faut souligner qu’après l’investissement de départ, relativement important pour la conception, les coûts opérationnels du service AlloLaafia sont assez faibles grâce à des partenariats avec les opérateurs de téléphonie mobile du pays (Onatel et Orange Burkina). Un message AlloLaafia coûte moins d’un centime d’euro. Dans un contexte où la nécessité de la communication n’est plus à démontrer mais où la pénurie en ressources humaines, financières et matérielles limite les actions traditionnelles de communication, AlloLaafia apparaît comme l’une des alternatives les plus adaptées à long terme.

À quelles améliorations le service AlloLaafia a-t-il contribué ?

AlloLaafia a contribué à démontrer l’effet multiplicateur que les TIC pourraient apporter dans le secteur de la communication pour le changement de comportement. De ce fait, des améliorations notables sont à mettre au crédit d’AlloLaafia : un gain en temps considérable pour les personnes qui ne sont plus obligées de délaisser leurs activités pour assister à des séances de sensibilisation ; l’implication des hommes, qui étaient rarement touchés par ces processus de prévention et qui représentent désormais 44 % des abonnés au service ; la possibilité d’apporter l’information à des populations peu accessibles du fait de l’éloignement, d’obstacles naturels ou de l’insécurité grandissante. De plus, cela garantissait un coût relativement faible par rapport aux stratégies habituelles de communication.

Ainsi, en deux ans d’expérimentation à petite échelle, plus de 24 000 personnes ont bénéficié de ce service. Mais théoriquement, AlloLaafia est capable d’en toucher dix fois plus. On peut donc imaginer l’effet qu’aura cet outil si nous parvenons à réaliser le passage à l’échelle !

Quel est l’avenir du service ?

Fort de son succès (près de 72 % des abonnés disent avoir mis en application les conseils reçus et plus de 90 % des abonnés se disent satisfaits ou très satisfaits), certains partenaires ont décidé d’apporter leur appui pour la poursuite de la mise en œuvre du service et ce, malgré la fin du projet MobiSan. Ainsi, la Fondation Bel accompagne AlloLaafia jusqu’à mi-2019 dans la province du Gourma. Le service a également été étendu dans la province de Gnagna, grâce au concours de l’Unicef. Une extension dans la région de la Boucle du Mouhoun est également prévue, dans le cadre du projet Premam.

Des discussions ont également été engagées avec le ministère de la Santé burkinabè afin de définir les modalités du transfert d’une instance du service AlloLaafia. Si nous y parvenons, le ministère pourra l’utiliser pour communiquer auprès des populations et des professionnels de santé. Ce serait un grand pas en avant pour la pérennisation du service et son utilisation à une échelle nationale.

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